• LITTLE BIG HORN

     
    Avant que le combat commence :
         Le 23 juin, CUSTER rejoint TERRY et GIBBON sur le Far West, un bateau fédéral situé à la jonction de la Tongue et de Rosebud.  Le Général TERRY lui donne ses ordres : CUSTER sera envoyé en éclaireur et devra seulement repérer le village en attendant l’arrivée du Général Terry qui arrivera par le nord, accompagné de Gibbon, afin de prendre le camp en tenaille.

    Général CUSTER

        Le Général TERRY lui donne ses ordres : CUSTER sera envoyé en éclaireur et devra seulement repérer le village en attendant l’arrivée du Général Terry qui arrivera par le nord, accompagné de Gibbon, afin de prendre le camp en tenaille. De leur côté les Sioux, commandés par SITTING BULL, avaient reçu le renfort d’indiens venant d’autres réserves : les Cheyennes, les Pieds Noirs, les Arikaras, les Hung papas, les Santees et les Brûlés. Menées par deux célèbres guerriers, GALL et CRAZY HORSE, ces tribus se regroupent et s’apprêtent à combattre les soldats. CUSTER, qui avait refusé d’emmener des canons, quitte le camp du Général Terry. Pendans ce temps, SITTING BULL accompli le rituel de la Danse du Soleil. Après s'être fait arracher 50 morceaux de chair, il reçoit la vision de soldats tombant du ciel et une voix lui dit : “ils n'ont pas d'oreilles, je te les donne”. SITTING BULL comprend alors qu'il y aura bataille entre les Lakotas et l’homme blanc et que les indiens remporteront la victoire. Le 25 juin 1876, CUSTER aperçoit le camp indien, situé sur la rive de la Little Big Horn. Poussé par la haine et certain d’emporter une victoire facile, Custer enfreint les ordres du Général Terry et décide d’attaquer seul le village, peuplé de 4000 à 6000 indiens, dont environ 2500 guerriers Sioux et Cheyennes.  Les indiens, s’attendant à une attaque, attendaient les compagnies de Custer de pied ferme et les attaquèrent sur plusieurs flancs.      La tactique des Sioux se montra efficace et les trois compagnies du Général Custer furent prises dans un redoutable étau dont personne ne pu s’échapper. Le combat se déroula ainsi : Le général CUSTER divisa ses troupes en trois colonnes. La première colonne, qui fut la sienne, se composait de cinq compagnies, soit 217 hommes, et progressa sur la rive gauche de la rivière en attaquant le village par l’ouest. La deuxième colonne, dirigée par le major Marcus RENO, se composait de 3 compagnies, soit 140 hommes, et attaqua le village par l’est.  Major Marcus RENO   La troisième colonne, dirigée par le capitaine Frederick William BENTEEN, avec 3 compagnies soit 255 hommes, descendit le cour supérieur de la Little Big Horn afin que les indiens ne puissent attaquer par l’arrière.    Capitaine Frederick William BENTEEN   Le major Reno arriva bientôt auprès du camp indien pendant que Custer amenait ses 5 compagnies sur les hauteurs. BENTEEN contrôla le cour supérieur de la rivière afin qu'aucun indien ne puisse s'y cacher pour attaquer les arrières du 7e de cavalerie.  La tactique de CUSTER est parfaitement réfléchie - c'est la stratégie de la "reconnaissance en force". A 15 h 20, la bataille commença. Seul le major RENO mena l’attaque du camp des Hunkapa par l’est, ce qui surpris les indiens.  Mais le camp était surtout occupé par des femmes, des enfants et des vieillards des différentes tribus rassemblées : Cheyennes, Sioux, Miniconjou et Pieds-Noirs, qui cherchèrent aussitôt à s’enfuir. Pendant ce temps, Custer contourna le village pour capturer les fuyards, convaincu que leur capture obligerait les guerriers indiens à se rendre. Pour mettre son plan a exécution, il divisa sa propre colonne en trois nouvelles unités : La première comprenait trois compagnies, chargée de la capture des fuyards.  La seconde, composée d’une compagnie, surveillait le flanc droit pour contrer une éventuelle attaque indienne venant du nord.  La dernière compagnie protégeait le flanc gauche en explorant le gué proche du village.  

      La dernière compagnie protégeait le flanc gauche en explorant le gué proche du village. A 15 h 15, soit seulement 15 minutes après avoir engagé le combat, le major RENO, prit de panique, donna des ordres contradictoires et ordonna à ses troupes de battre en retraite vers un bois, pour se protéger. A 15 h 50, le major RENO, pourtant dans une position défensive favorable, fut de nouveau prit de panique et ordonna à toute la troupe de battre en retraite vers une colline.Cette erreur causera sa perte : ce fut la panique totale dans les rangs. Le Major RENO oublia même de mettre en place une arrière-garde, chargée de couvrir la retraite des soldats. Les indiens se faufilèrent alors parmi eux et les abattirent un à un, sans rencontrer de résistance. Des dizaines d’hommes tombèrent dans la Little Big Horn et furent torturés sur place par les guerriers indiens, ivres de colère. 53 hommes trouvèrent la mort, soit presque la moitié du bataillon du Major RENO.   Pendant ce temps, le Capitaine BENTEEN, qui avait été envoyé en reconnaissance au sud afin de vérifier si d’autres villages entouraient l’objectif principal, continuait d’avancer tranquillement malgré les messages du général CUSTER qui lui ordonnait de le rejoindre le plus rapidement possible.  La haine que le Capitaine BENTEEN éprouvait à l’égard du général CUSTER le poussa à la trahison. Les Indiens continuèrent de poursuivre le major RENO en même temps que d’autres guerriers, menés par CRAZY HORSE, contournèrent le camp pour aller à la rencontre de CUSTER.   16 h 10 : CUSTER, accompagné de 215 hommes, atteignit une butte et engaga le combat, pensant soutenir le Major RENO. Au même moment, le capitaine BENTEEN a fait la jonction avec le Major RENO sur une colline. Ils ont alors près de 400 hommes, avec les mulets chargés de munitions. CUSTER, croyant que les deux bataillons sont toujours engagés, continua de mener son offensive. Il déploya alors ses hommes sur plusieurs collines au nord avec pour but de capturer les indiens. La retraite du major RENO permit aux indiens de se réunir et d’engager toutes leurs forces contre le général CUSTER. Ils ne laissèrent que très peu de guerriers pour continuer à combattre le Major RENO et le Capitaine BENTEEN. Le général CUSTER installa une compagnie sur une colline qui portera ensuite le nom de son commandant : James CALHOUN. Les combats furent d’une extrême violence. GALL, le Chef indien des Hunkpapa, mena ses guerriers au sud-est de CALHOUN Hill. Pendant ce temps, le général CUSTER détacha son aile gauche pour effectuer une nouvelle reconnaissance vers les rivières. Le général CUSTER cherchait toujours à pénétrer le village pour capturer des indiens et contraindre les guerriers à se rendre. Il n’avait alors pas conscience du drame qui se jouait.Il découvrit enfin un passage mais préféra attendre les renforts du capitaine BENTEEN pour pénétrer dans le village. Vers 17 h 30, les indiens, sous le commandement du chef Cheyenne Lame White Man, menèrent l’offensive. L’aile gauche du général CUSTER fut enfoncée. A 17 h 50, ce fut au tour de l’aile droite de s’effondrer sous les assauts répétés des chefs GALL et CRAZY HORSE. Les combats menés furent acharnés et les guerriers indiens se firent de plus en plus pressants. Pendant ce temps, l’intensité des combats menés contre le Major RENOR et le Major BENTEEN baissa d’intensité, bien que CUSTER entendit le bruit de ceux-ci, de là où il combattait, à quelques kilomètres..        Les indiens repoussèrent tous les soldats qui essayaient de s’enfuir de la butte de Calhoun Hill. Les guerriers de Lame WHITE MANN, GALL et de TWO MOON attaquèrent les soldats de front alors que CRAZY HORSE les contourna pour mener une attaque sur leur flanc gauche. Ce fut le coup de grâce pour la défense des soldats. Le Capitaine WEIR essaya d’organiser une contre-attaque qui échoua totalement et favorisa même l’assaut des guerriers indiens. A 18 h le Général CUSTER regroupa ses derniers hommes sur un colline afin d’établir une ligne de défense. Pour se protéger, ils furent contraints d’abattre des chevaux qui leur servirent de bouclier       18 h 20 sonna la mort des derniers soldats. Ce furent au total 263 hommes du 7e de cavalerie qui périrent dans ce combat. Un guerrier indien, Yellow Horse, recensa 83 indiens tués et affirma plus tard que d’autres guerriers n’avaient pas survécu à leurs blessures. Selon d’autres témoignages indiens, les pertes s’élèveraient à 200 guerriers tués et autant blessés. Parmi les morts on retrouvera le chef Cheyenne Lame White Man qui fut tué accidentellement au combat par ses propres guerriers. De 16 h à 18 h 20, ni le Major RENO, ni le capitaine BENTEEN ne feront mouvement vers la position du général CUSTER afin de l’aider. Seul le capitaine WEIR a fait mouvement en direction du général. Ce comportement ne manquera pas de soulever l’indignation de plusieurs officiers de l’armée ainsi que de plusieurs civils. Le Major RENO ainsi que le Capitaine BENTEEN présenteront les faits de telle façon que la faute en sera rejetée sur le Général CUSTER.  

     

    Cette bataille eu un grand retentissement dans l’opinion publique américaine et conduisit, 14 ans plus tard, au massacre de Wounded Knee Creek. Apres 24 heures de combats les indiens se retirèrent en embrasant toute la plaine pour couvrir leur retraite. Le lendemain, Reno et Benteen seront relevés par les troupes de Terry et Gibbon.Les hommes de TERRY découvrirent bientôt la colline de la dernière bataille de CUSTER, avec un seul survivant, la monture du capitaine Koegh, le cheval comanche éclaireur. L'animal survivra à ses neufs blessures et servira de mascotte au 7e de Cavalerie. Après sa mort, le cheval fut empaillé et exposé à l’Université du Kansas.
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  • L'histoire de l'Ouest : mythe et réalité
    La conquête de l'Ouest : du myhe à la légende
     
    Jean-Marie TIXIER, Maître de Conférences, Université Montesquieu-Bordeaux IV, Président du Cinéma Jean Eustache (Pessac).
    De l’importance du sujet pour comprendre le monde…
     
     
    Les deux cartes des dernières élections présidentielles américaines sont explicites. La première montre le vote par Etat qui coupe l’Amérique en deux avec d’une part les Etats du Nord-Est et ceux de la côte Ouest qui ont donné leur confiance à John Kerry et ceux du Sud et de l’Ouest qui ont voté George W. Bush. La deuxième au niveau des comtés réduit encore la place de la couleur du Sénateur du Massachusetts qui ne l’emporte visiblement que dans les comtés les plus peuplés, les comtés des grandes unités urbaines. Une conclusion hâtive pourrait conduire à penser qu’une Amérique urbaine s’oppose désormais à une Amérique rurale.
    Or, pionniers (sic !) du développement industriel, les Etats-Unis ont connu une urbanisation importante dès la fin du XIXe siècle. Et aujourd’hui, les véritables ruraux ne constituent plus qu’une infime minorité dans une Amérique entièrement urbanisée. Mais l’urbanisation américaine dont le modèle demeure la ville californienne a peu à voir avec l’urbanité… Si l'urbanisation américaine a toujours entretenu un lien organique entre ville et campagne, notamment à travers le phénomène des banlieues, le développement de la périurbanisation aux Etats-Unis est tel aujourd’hui que la majorité des Américains résident hors des villes avec les problèmes bien connus qui sont attachés à ce mode de vie : l’urbanisation infinie (les lotissements et les autoroutes pour y conduire toujours en extension) et la ségrégation de la population (seuls les plus pauvres vivent au centre ville). On est alors bien loin de l’idéal pastoral dans une nature désormais « urbanisée ».
    Pour autant, cette réalité n’empêche pas bon nombre de ces Américains de se penser comme les héritiers des pionniers. Bien au contraire, dans la mesure où la ville abandonnée aux laisser pour compte, down town, avec sa violence et ses conduites déviantes semble de plus en plus se conformer à l’image négative que véhicule la pensée agrarienne chère à Benjamin Franklin. Le tour de force de George W. Bush est d'avoir réussi à se faire passer pour le représentant de la véritable Amérique, celle de l'Ouest et de la terre qui ne ment pas et à contraindre John Kerry à incarner la ville délétère et l'Est qui représente la reconstitution sur le sol américain de la vieille Europe…
    Si John Kerry ne peut nier son appartenance à la côte Est, c'est un bostonien et Boston est le parangon de l'Est et, de plus, il parle français. George W. Bush est également un "gars" de la côte Est, un Tenderfoot, et son histoire avec l'Ouest date de son élection comme gouverneur du Texas. Mais il possède un ranch, porte des botes et arbore des chemises à carreaux et des jeans en guise de programme électoral.
    Nous sommes donc bien en présence de l'effectivité de la croyance et c'est bien une communauté imaginaire comme la définit Benedict Anderson qui fédère les électeurs conservateurs. Il est donc fondamental de travailler le système de représentation qui construit ce sentiment d'appartenance. Or les fondations de ce système s'appuient sur l'idéologie de la conquête.
    En France, la mythologie de la conquête de l’Ouest est abusivement assimilée au cinéma et aux milliers de westerns qui l’ont massivement diffusée. Si de ce côté de l’Atlantique, l’utilisation du terme western ne renvoie qu’au cinéma, aux USA, il convient toujours de préciser western movies car il est entendu qu’il existe une musique, une littérature, une peinture, etc., formant un ensemble complet des représentations de l’Ouest américain. Si comme a pu le noter André Bazin, "Le western est né d'une rencontre entre une mythologie et un moyen d'expression", c’est bien que l’imaginaire de la conquête était déjà constitué avant la découverte du cinéma à la fin du XIXe siècle. Mais, de surcroît, l'idéologie de la conquête fonctionne avec efficacité car elle n'est que reprise et adaptation de mythes très anciens.
     
    En effet, avant même que ne commence l'histoire occidentale de l'Amérique, ce continent était déjà l'objet de nombreux mythes. Pour les grandes religions du Livre, le monde plat avec en son centre Jérusalem se composait de l'Europe, de l'Asie et de la Libye; au-delà le gouffre, le néant, le royaume des démons et des âmes perdues. Dictés par Dieu, les textes étaient formels: le monde avait été partagé entre les trois fils de Noé, Cham, Japhet et Ham.

     
    Plus tard, les rois mages représenteront les trois parties du monde comme la tiare du Pape symbolisera son règne sur un monde tripartite (Cf. les Papes Jean XXII et Benoît XII, deux papes d’Avignon ainsi que les armes de Jean-Paul II).

    La première carte
    Cette représentation du monde est héritière de la tradition moyen-orientale: à Babylone, les premières cartes du monde dont nous disposons sont identiquement circulaires et le Dieu Soleil, Shamasch porte également une coiffe tripartite (Cf. Les taureaux sacrés aux portes du palais de Babylone portent la couronne de Shamash, le Dieu Soleil).
    Par conséquent, il ne pouvait y avoir, en principe, une terre à l'Ouest de l'Europe. Cependant, cette impossibilité religieuse n'a pas empêché les hommes d'en faire le lieu privilégié de leurs fantasmes. L'Ouest fut investi de tous les désirs et de toutes les craintes.
    Le paradis perdu
    Dans un monde borné à l'Ouest par la masse de l'océan, les îles d'Islande et d'Irlande occupaient la frontière extrême de l'Univers. De ces marches, les hommes sont partis explorer le vaste océan. Il ne fait plus de doute que ces insulaires ou les Vikings touchèrent les premiers les rivages d'Amérique. Mais bien avant d'avoir atteint cette nouvelle terre, les Celtes l'avaient conquise dans leur mythologie. Pour eux, au-delà des eaux existait un pays merveilleux qui abritait après leur mort les êtres bons et forts. Avalon est cette île aux pommiers où dort le roi Arthur en attendant de revenir parmi ses frères.
    Tournés vers l'océan, marins de culture, les celtes ne pouvaient qu'être attirés par l'horizon où se couche le soleil. La force de l'astre de la vie et l'éternité de l'océan sans limite se mariant dans une noce mythique pour engendrer un lieu béni des dieux... Ce mythe celte, par excellence, survivra à la christianisation des îles. Et cela malgré la contradiction entre les croyances ; la tradition judéo-chrétienne situait le paradis perdu quelque part en Orient ; de plus, elle considérait l'Ouest comme un lieu à jamais interdit à l'homme.
    Le monde interdit, le désert brûlant des âmes perdues
    Dans l'antiquité, le mythe de l'Atlantide construit l'image d'un monde dont les dieux ont exclu les hommes. Héraclés ne dépassa jamais les colonnes qui portent son nom. La Méditerranée formait un espace clos dans lequel les hommes se sentaient à l'abri. Un monde reconnu, dûment borné duquel il ne fallait pas sortir de peur de mettre en danger le sécurisant équilibre construit par les hommes. Le courroux des dieux menaçait le blasphémateur ! Le mythe fonctionne alors comme une censure.

    Néanmoins, il ne réussit pas à empêcher d'audacieux navigateurs de passer le détroit de Gibraltar... Avec la chrétienté, le mythe fut repris et à peine transformé pour répondre à la cosmogonie de cette religion. En tout état de cause, le paradis terrestre avait été détruit et l'homme en avait été chassé. C'est dire qu'il lui était interdit de tenter d'y retourner. Saint Augustin prédisait que le quatrième monde devait, s'il existait, être inhabité et inhabitable, peuplé qu'il était de démons et d'esprits mauvais. L'Ouest était donc le royaume de Satan et il valait mieux ne pas s'y risquer si l'on ne désirait pas perdre son âme... Encore une fois, le mythe fut impuissant à retenir l'audace des marins. Les musulmans nomment "l'océan des ténèbres" ces étendues infinies et, pourtant, d’aventureux marins partiront d’Andalousie vers l’Ouest et certains auraient atteint une “terre très étrange et bizarre” selon de nombreux récits. Enfin, Christophe Colomb affréta une expédition maritime.

    Après les voyages du Génois, lorsqu'il fut avéré de l’existence d'un nouveau monde, les occidentaux éprouvèrent des difficultés pour l'intégrer dans leur système de croyance. Ce ne pouvait être le paradis perdu puisque le nouveau monde était habité or l'homme avait été chassé de l'Éden. L'énigme de l'origine de ses indigènes s'imposa avec force. Logiquement, si les Indiens n'étaient pas les descendants de l'un des trois fils de Noé, ils n'étaient pas non plus les fils d'Adam. Pouvait-on les considérer comme des hommes? La célèbre controverse de Valladolid entre Bartolomeo de Las Casas et Luis Sepúlveda règlera la question d’un point de vue théologique au sein de l’Eglise catholique. Mais le système de croyances occidental n'était absolument pas préparé à intégrer l'amérindien. Ce choc culturel enfantera la renaissance mais le sauvage continuera à inquiéter, au sens premier, la conscience occidental. Si une pensée religieuse considérait le nouveau monde indûment occupé par des sauvages (à exterminer ou à assimiler), une pensée crypto-paienne voyait dans l'Indien un mode de vie à jamais interdit à l'homme blanc civilisé; elle lui envie sa liberté naturelle, sa naïveté dans son rapport au monde. Alors que la première est apologie de la civilisation blanche, la deuxième traduit une distance critique, un scepticisme relativiste ("chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage"). L'une et l'autre trouvent dans l'Indien matière à alimenter leurs raisonnements. Face au phénomène indien, la première trouve une concrétisation du mythe du mauvais sauvage qui justifie à la fois la civilisation et la colonisation, assimilées l'une à l'autre, la deuxième répond avec le bon sauvage. L'Indien créature de Satan et parangon de l'homme libre, ces deux images cohabiteront toujours dans le système de représentations de l'homme blanc. La découverte de l'Amérique n'a détruit ni les mythes ni le système de croyances des occidentaux. Confrontée à l'évidence de la réalité, la mythologie s'est simplement adaptée aux conditions historiques du moment.
    Les deux grands mythes
    De l'époque précolombienne aux westerns d'aujourd'hui, en passant par la peinture, la photographie ou la littérature du siècle dernier, les deux conceptions de l'Ouest ont perduré. Ces deux structures s'opposent à travers une série de couples antinomiques: Ouest/Est, Nature/Culture, Sauvagerie/Loi, Individu/Société, etc. Ces couples d'oppositions se répartissent à l'intérieur de deux grandes structures selon une logique propre et cela dès la mythologie précolombienne.

    Enfantée par un mariage entre la tradition puritaine et une pensée libérale (de Hobbes (1) à Pufendorf), le Parti de la Loi considère l'Ouest comme un désert brûlant et hurlant où "la férocité naturelle de l'esprit humain", selon la conception de Pufendorf, peut s'exprimer sans retenue. Pensée sanctifiée par le Livre qui fait d’une faute terrible, le péché originel, le moteur de l’histoire de l’homme et, pensée reprise et amplifiée par les Pères de l’Eglise de Saint Augustin qui fait de la guerre le signe du mal naturel de l’homme à Grégoire XIV et son Mirari Vos:
    « En effet, tout frein étant ôté qui puisse retenir les hommes dans les sentiers de la vérité, leur nature inclinée au mal tombe dans un précipice » (2)

    Affaire est entendue : à cause de la chute, la nature de l’homme est forcément mauvaise et, comme le péché originel pèsera sur l’homme jusqu’à la fin des temps, la guerre durera également jusqu’à la fin des temps.

    Tout au contraire, au confluent de la mythologie celte et de la pensée qui entend se constituer hors la médiation de la révélation, d’Etienne de la Boétie à Jean-Jacques Rousseau, l'appel du grand Dehors incite à fuir l'Est et sa civilisation afin de retrouver le paradis perdu où l'homme vivait dans l'innocence. Lorsque l'Ouest est défini dans l'imaginaire, tous les éléments du mythe s'organisent et s'ordonnent. Pour le Parti de la Loi, la société est la seule réponse raisonnable à la nature mauvaise de l'homme. La Loi sépare les individus dans la recherche égoïste de leurs propres intérêts. L'Ouest, dernière terre sauvage, doit être par conséquent conquis par l'Est civilisé afin que la Paix et la Raison puissent régner et que la nuit morale soit enfin dissipée. En revanche pour les défenseurs du grand Dehors, l'état de Nature assurait l'innocence de l'homme que la société vient détruire. La lutte du social contre la Nature a engendré l'avilissement de l'éthique et la dégradation des mœurs, l'inégalité funeste entre les hommes et, conséquence de tous ces faits, l'esclavage politique . L'Ouest est donc le dernier lieu sur la planète où l'homme peut encore vivre dans l'état de Nature, mais en progressant, l'Est saccage le Jardin du monde.

    Tous les moyens d'expression ont contribué à la fois à l’élaboration de cette mythologie et à sa diffusion: la peinture, la photographie, le théâtre, le cirque, la littérature, avec leurs moyens spécifiques, ont élaboré et diffusé la légende de l'Ouest...
    Note 1
    - Dans son "De Cive", Thomas Hobbes utilise les "connaissances" toutes nouvelles sur les Indiens pour illustrer sa thèse sur la guerre naturelle; les Indiens guerriers vivant dans l'état de Nature démontrent la pertinence de sa thèse.
    Note 2
    - Mirari Vos in Annexes à Pie IX, Quanta Cura & Syllabus, Paris, J.J. Pauvert, 1967, p.85.
      
     
      
      
     
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