• HEHAKOA SAPA WAPITI NOIR...

    Héhaka SAPA
    (Camp de Little Powder, 1863 - Réserve de Pine Creek, 1950)

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    L'œuvre-vie
    Né en décembre 1863 au bord de la Little Powder River (Wyoming, États-Unis), Héhaka Sapa – « Wapiti Noir » – est le fils d'un autre « Wapiti », homme-médecine, et de « Vache-Blanche-qui-voit ». Il appartient au peuple des Sioux Dakota, tribu Oglala. Il sera un temps sur le sentier de la guerre : il tue et il scalpe, mais sera toute sa vie chamane, visionnaire, guide spirituel (pejuta wicbasha). Tout enfant déjà, des visions le visitent. Premières expériences qu'il ne confiera à personne. À neuf ans, la « Grande Vision », durant un évanouissement extatique de douze jours, lui fait découvrir les six « Grands-Pères » que sont les Pouvoirs du Monde. Ils lui révéleront les étapes de sa destinée et son rôle de sauveur de son peuple.

    Héhaka Sapa assiste à la bataille de Little Big Horn, avant de se réfugier au Canada. Il connaîtra avec les siens les longs trajets pour fuir l'avance des Washichou – les Blancs –, rendus fous par le « métal jaune », les combats au milieu des tempêtes de neige, les hivers, comme de longues nuits « dans l'attente de l'aurore »...

    Héhaka Sapa
    (1863-1950)
    Des hommes du spectacle l'exhiberont avec d'autres à New York, dans le Wild West Show de Buffalo Bill, puis à Londres, dans un cirque, lors du jubilé du règne de « Grand-mère Angleterre » – la reine Victoria –, en Allemagne et à Paris. De retour chez lui, Héhaka Sapa considère avec sympathie le mouvement messianique Ghost Dance, de Wovoka, qui prônait la renaissance de la nation indienne. Mais après l'anéantissement de la tribu Big Foot, à Wounded Knee, en 1890, il préconisera l'entente entre Indiens et Américains.

    Misères, famines, mensonges n'ont fait que se multiplier ; les Black Hills ont été vendus ; les bisons massacrés. Mais les visions n'ont jamais abandonné Wapiti Noir, qui, aveugle, voit avec l'« œil du cœur », et, illettré, lit les signes. Le voilà maintenant guérisseur et mainteneur des rites. En 1930, le poète John G. Neihardt enregistre l'histoire de sa vie. En dépit de leur caractère sacré, ses enseignements doivent être révélés, car la fin du cycle est proche. Black Elk speaks paraît en 1932, et deviendra, à partir des années soixante, un classique de la jeunesse américaine. Héhaka Sapa éclaire également de ses conseils l'anthropologue Joseph E. Brown pour son livre The Sacred Pipe, publié en 1953.

    Héhaka Sapa meurt, solitaire, dans la réserve de Pine Creek (Sud-Dakota), en 1950.

    Dix Principes et sept Rites constituent la base de la spiritualité des Indiens des Forêts et des Plaines, dont Héhaka Sapa est le porte-parole.

    Deux Principes mâles : le Grand-Père (Tunkashila), aspect suprême du Grand Esprit (Wakan-Tankà), et le Père (Ata), son aspect démiurgique, fécondateur et destructeur.

    Deux Principes femelles : la Grand-Mère (Unchi-Maka), substance potentielle et naturante, et la Mère (Inâ), la substance concrétisée et naturée.

    Les quatre Pouvoirs du Monde, en relation avec la quaternité des points cardinaux, des saisons, des périodes cosmiques, et symbolisés par les quatre rubans du Calumet. À l'ouest – noir – sont le Tonnerre qui révèle et la Pluie qui féconde ; au nord – blanc – le Vent qui purifie et sanctifie ; à l'est – rouge – la Lumière qui donne connaissance et paix ; au sud – jaune – l'Été qui fait croître, et d'où part la « bonne Route rouge », voie de vie et de félicité.

    La suite des Jours rouges et celle des Jours bleus, correspondant à la lumière et à l'obscurité, est reliée au Soleil et à la Lune.

    Il est aisé d'établir des relations entre ces Principes et ceux des autres traditions [1]. Pour s'en tenir à l'hindouisme, il est évident que le Grand-Père y aurait pour équivalent le nirguna Brâhman, sans attribut ni qualification, et le Père, le saguna Brâbman, relié à la manifestation cosmique. De même, la Grand-Mère correspond à Prakriti, la Substance primordiale indifférenciée, et la Mère, à Mâyâ, extériorisant les potentialités de Prakriti.

    Les Pouvoirs du Monde ne sont pas sans rappeler les Shakti, les Énergies à l'œuvre dans la création, et les Âges cosmiques, les Yuga. À la fin de chaque cycle, le Bison perd un de ses pieds, tout comme le taureau Dharma. L'Aigle tacheté (Wambali Galeshka) correspond semblablement à l'Intellect (Buddbï), principe informel et transcendant, dispensant la Lumière que voit l'« œil du cœur » (chante Ishta), qui est dans l'hindouisme l'« œil de Shiva » -un cœur, explique Wapiti Noir, qui, purifié, est le sanctuaire au centre duquel réside le Grand Esprit ; on pense à la « caverne du cœur », séjour de l'âtman. L'œil du Grand Esprit voit tout, et c'est par lui que nous voyons par-delà les apparences.

    Les sept Rites, révélés à l'origine des temps par les messagers de Wakan-Tanka, telle la Femme-Bisonne-Blanche – Ptesan Win –, assurent une relation quotidienne et vécue avec le monde des Esprits.

    Ces rites sont la Garde de l'âme d'un défunt vertueux, dans une mèche de cheveux, et envoyée au Grand Esprit ; la Purification dans la loge à transpirer, symbole d'une seconde naissance ; l'Imploration d'une vision ou de son explication dans la solitude ; la Danse du Soleil, où, accroché par des lanières au poteau sacré, tourner sans la moindre plainte et donner de sa chair en offrande pour que le peuple vive ; l'Apparentage, qui resserre les liens entre individus, entre tribus, et avec le Grand Esprit ; la Préparation de la jeune fille initiée à ses devoirs de femme ; le Lancement de la balle par une fillette représentant le Grand Esprit, dont le Pouvoir retombe sur le peuple comme la balle que se disputent des équipes rivales.

    Le Calumet est l'agent indispensable à l'efficience rituelle. Par lui se font les rites. Il symbolise l'unité des choses créées, sert de médiateur entre les hommes et Wakan-Tanka, qui le leur a confié. Le maintien du rite du Calumet, fumé ensemble, et saluant les directions de l'espace, assure l'augmentation et l'abondance des hommes et des biens.

    Une vie saturée de rites et nimbée de symboles est pourvue de sens, de ce sens que les Washichou ont perdu. C'est, au fond, ce que veut enseigner Héhaka Sapa, dont le message ne s'adresse pas seulement à ceux de sa tribu, mais aussi aux Visages Pâles.

    Si les rites indiens ne nous concernent pas, encore qu'on puisse en retrouver trace, sous des formes dégradées et profanes, il reste beaucoup à tirer des paroles mêmes du chamane oglala. Celles-ci nous rappellent au respect de la nature, à l'esprit symbolique et au sens du sacré.

    Ce respect est inséparable d'une certaine poésie spontanée qu'atteste le langage même de Wapiti Noir, évoquant les « ailes de l'air », le « tendre visage des herbes », ou le « rire heureux » du tonnerre ; « la lune des arbres qui craquent », celle « où les cerises noircissent ». Poésie que sous-tendent encore et vivifient ces visions irradiantes où les oiseaux parlent, où des visages d'enfants à naître apparaissent dans les nuages, où les hommes se transforment en animaux, où le chant de l'étalon est si beau que « rien, nulle part, ne peut s'empêcher de danser ».

    Si l'Indien respecte la nature, c'est parce qu'elle est l'expression la plus directe du Grand Esprit, et la somme d'équilibres et de composantes qu'il serait imprudent de défaire. La fumée du Calumet qui relie l'homme au « Monde réel » le relie aussi à tout ce qui le reflète ici-bas.

    Écologique avant la lettre, ce message nous rappelle l'unité de l'homme et de la nature, et un pacte d'alliance qu'il faut se garder de rompre.
    Honorer les directions de l'espace, c'est réactiver leur valeur symbolique, et en particulier, celle du cercle. Héhaka Sapa découvrira avec horreur les maisons cubiques des Blancs. « Il ne peut y avoir de pouvoir dans un carré. » Le cercle, au contraire, est symbole de l'Esprit. Si le sanctuaire des Peaux-Rouges est la nature entière, c'est qu'en elle, le centre est partout. Construire des édifices en pierre, c'est solidifier l'espace et le fragmenter, c'est détruire la virginité de la terre et l'Infini.

    Enfin, parce qu'elle représente quelque chose d'en haut, toute créature est sacrée (wakari), même si elle relève de l'apparence et n'est qu'un faible reflet du Principe. Elle est également wakan parce qu'elle a été créée avant l'homme, et possède un pouvoir, une influence (wochanghi), qui peut passer en lui.

    On ne peut qu'être sensible au destin pathétique d'Héhaka Sapa, qui fut l'incarnation d'un peuple condamné d'avance, à l'instar de tous les peuples traditionnels; peuple chevaleresque, nomade et contemplatif face à un envahisseur mercantile, citadin et actif, de surcroît plus nombreux et mieux armé.

    Héhaka Sapa savait qu'« il n'y a plus de centre », et que « l'arbre sacré est mort ». Pourtant, l'espoir subsistera en lui jusqu'au bout. « Il se pourrait qu'une petite racine de l'arbre vive encore. »

    On assiste aujourd'hui à un renouvellement d'intérêt pour les « Longues Chevelures », chez ceux qui, conscients des déviations modernes et nostalgiques d'une certaine innocence, ont à cœur de se désintellectualiser aux sources d'une métaphysique simple et concrète, et de renouer avec les principes fondateurs de toute vraie spiritualité.

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    Principaux ouvrages

    • Héhaka Sapa n'a rien écrit ; mais ses propos ont été recueillis par J. G. Neihardt sous le titre Black Elk speaks (New York, 1932) et traduits en français: La Grande Vision, trad. J. Chevillât, C. Schuon, Éditions traditionnelles, 1969.
    • Élan Noir parle, trad. J.-C. Muller, Stock, 1977 / Le Mail, 1993.
    • D'autres propos ont été recueillis par J. E. Brown sous le titre The Sacred Pipe (1953) et traduits en français : Les Rites secrets des Indiens Sioux, trad. F. Schuon, R. Allar, Payot, 1953 / Le Mail, 1992.

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    Dans le texte

    • Toute la vie est sacrée, notre vie à tous qui allons sur deux jambes, et que nous partageons avec ceux qui vont à quatre pattes, et avec des ailes qui vont dans les airs, et toutes les choses vertes. Car ils sont enfants d'une même mère, et leur père est un seul Esprit.
    • J'ai vu plus que je n'en puis dire, et j'ai compris plus que je n'ai vu. Car je voyais les formes de toutes choses en esprit, d'une manière sacrée, et la forme de toutes les formes telles qu'elles doivent vivre ensemble comme étant un seul Être.
    • Vous avez remarqué que la vérité vient en ce monde avec deux visages. L'un est triste et souffrant, l'autre rit. Mais riant ou pleurant, c'est le même visage. Quand les gens sont déjà au désespoir, le rire est peut-être meilleur pour eux. Et quand ils se sentent trop bien et sont trop sûrs d'être en sécurité, peut-être vaut-il mieux pour eux qu'ils voient le visage qui pleure.
    • Tout ce que fait un Indien est dans un cercle, et c'est parce que le Pouvoir du Monde opère toujours en cercles ; tout essaie d'être rond. Tout ce que fait le Pouvoir du Monde est en forme de cercle. Le ciel est rond, et j'ai entendu dire que la terre est ronde comme une balle, et ainsi sont toutes les étoiles. Le vent, dans sa plus grande puissance, tourbillonne. Les oiseaux font leurs nids en rond, car leur religion est la même que la nôtre. [...] Nos tentes étaient rondes comme les nids des oiseaux, et elles étaient toujours disposées en cercle.
    • Nous autres, Indiens, vivons dans un monde de symboles et d'images où le spirituel et l'ordinaire des jours ne font qu'un.
    • Rien ne saurait bien vivre sinon en se conformant à la manière dont les Pouvoirs du Monde vivent et se meuvent.
      Élan Noir parle
    • Nous devons savoir qu'il est en toute chose : dans les arbres, les herbes, les rivières, les montagnes et tous les quadrupèdes et les peuples ailés ; et. ce qui est encore plus important, nous devons comprendre qu'il est aussi au-delà de tous ces êtres.
    • Chaque pas qui est fait sur elle [la Terre] devrait être comme une prière.
      La raison la plus importante pour implorer est sans doute que cela nous aide à réaliser notre unité avec toutes choses, à comprendre que toutes choses sont nos parents.
    • De toutes les créatures, les plus dignes d'attention sont les oiseaux ; ils sont les plus proches du ciel, et ne sont pas liés à la terre comme les quadrupèdes ou les petits peuples rampants.
      Les oiseaux quittent la terre avec leurs ailes, et nous, les hommes, pouvons également quitter ce monde, non pas avec des ailes mais dans l'esprit.
      Les Rites secrets des Indiens Sioux

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